John Carpenter
John Carpenter est un de mes réalisateurs préférés depuis le début de mon adolescence. J'ai grandis avec ses films et je suis fan de ses séries-B d'une efficacité irréprochable.
Biographie de John Carpenter (extrait du site cinema.fluctuat.net) :
Pour les générations de cinéphiles post Nouvelle Vague, celles nées des sixties aux eighties, John Carpenter incarne, à l'image de Brian De Palma, l'auteur d'une filiation possible. Largement découvert dans les années 80 grâce aux vidéo clubs et quelques jeunes critiques érudits qui l'ont érigé au range de maître, il fait le lien entre l'héritage classique hollywoodien et une modernité soucieuse de son passé. Ni vraiment néo-classique, ni complètement post-moderne, Carpenter est d'abord, comme ceux qui en ont fait leur idole, un spectateur savant et amoureux, un grand amateur de série B, de films de science fiction, fantastique ou d'horreur qu'il a découverts durant son enfance pendant les années 50. Passionné très jeune par le cinéma, il réalise divers petits films en 8mm avant d'intégrer l'Université de Californie du Sud où il collabore à la réalisation et l'écriture de The Ressurection of Bronco Billy (James Rokos, 1970), récompensé de l'Oscar du meilleur court métrage. Il travaille ensuite avec le futur réalisateur Dan O'Bannon (bientôt scénariste d'Alien), à son premier long métrage, Dark Star (1974). Si le film se veut une parodie de 2001: l'odyssée de l'espace, il s'agit surtout d'un hommage au cinéma de SF que Carpenter admirait pendant sa jeunesse : il décrit avec humour la monotonie de la vie dans l'espace, les problèmes de communication entre cosmonautes, ou encore le sentiment d'abandon dont ils sont victimes.
Très influencé par Howard Hawks, Carpenter transpose ensuite Rio Bravo dans l'univers policier et contemporain d'Assaut (1976), dont il réalise également la musique et le montage, une constante à venir de son œuvre. Très vite remarqué en Europe, ce petit film fauché tourné avec un budget ridicule s'impose comme un western urbain radical et visionnaire. Le jeune cinéaste y joue avec la paranoïa et ses menaces fantômes tout en maîtrisant l'espace avec une rare efficacité. Lancé, Carpenter poursuit avec le téléfilm Meurtre au 43ème étage (1978), puis réalise son premier succès au box office, Halloween (id). Le film bouleverse alors le cinéma d'horreur, lui impose de nouvelles règles, et invente une formule qui fera date (le slasher, mille fois copié). Carpenter révèle à nouveau son sens aigu de l'espace et du mouvement, tout en jouant avec la topographie et l'atmosphère des suburbs, qu'il investit d'une menace/présence (un tueur en série) inspirée de la paranoïa ambiante de l'époque. Avec un suspens éprouvant souligné d'une musique obsédante (qu'il compose), un sens du rythme millimétré, une rigueur du cadre parfaite, une articulation des points de vue diaboliquement angoissante, il fait d'Halloween une pièce maîtresse d'un genre qu'il invente plus qu'il ne réinvente. Le film entrainera de nombreuses suite qu'il produira en partie (jusqu'en 2007 par Rob Zombie), mais aucune n'aura sa virtuosité et son incertitude vénéneuse.
De Snake à ChristineDeux ans après Halloween Carpenter livre une œuvre plus fantastique et plus abstraite, Fog (1980), sur l'histoire d'une petite ville portuaire victime d'une malédiction provoquant la propagation d'un brouillard tueur. Plus conceptuel, le film délaisse volontiers l'ordre rationnel des choses (encore probable dans Halloween quoique méta psychanalytique), pour ne s'intéresser qu'à la mise en espace d'une chose fluctuante et immatérielle, proche par certains aspects de La planète des vampires (1965) de Mario Bava. Carpenter revient alors plus explicitement à ses amours cinéphiliques (la série B décomplexée), tout en lui apportant un surplus théorique et esthétique passionnant. Un an plus tard, il retrouve Kurt Russel (les deux hommes s'étaient connus sur Elvis en 1979, un biopic pour la télévision) pour ce qui sera l'un des films les plus populaires de son époque et de la carrière de l'auteur : New York 1997 (1981). Sur le modèle du western revisité à la sauce post-nuke, que Mad Max a rendu célèbre deux ans avant, Carpenter imagine une ville fantasmatique, un Manhattan transformé en prison, en asile de fous, où est envoyé un mercenaire peu bavard et cynique pour sauver le président, Snake Plissken. Paranoïa toujours, que l'auteur transforme en paysage dégénéré, ruines, remplis de créatures protéiformes où un héros solitaire et individualiste se fraye un chemin par la force, fermement opposé à toute espèce d'autorité. Carpenter retrouvera Snake avec une suite tardive et controversée : Los Angeles 2013 (1996).
En 1982, retour à Hawks, dont il signe cette fois un remake officiel et réussi : The Thing (La Chose d'un autre monde), à nouveau avec Kurt Russel. Au moment où sort en salles le très pacifique E.T. l'Extraterrestre, le film de Carpenter, radical, noir, violent, gore, vrai film de franc tireur qui ne mégotte pas sur la radicalité de son point de vue, n'enthousiasme naturellement pas les foules. Ici Carpenter traite de la maladie et du virus en montrant son processus de contamination à la fois physique et moral, comment celle-ci agit et détériore un groupe dans sa chair et ses certitudes. Il reprend la thématique du parasite extra-terrestre (qui a déjà fait le succès d'Alien) pour l'ouvrir sur une métonymie darwinienne et scientifique, le tout dans un espace clos et anxiogène dont il maîtrise chaque parcelle ; livrant ainsi un pur bijou d'angoisse, à la fois cérébral et spectaculaire. Jamais très loin de Spielberg et à la fois son contraire, Carpenter s'attaque ensuite à Christine (1983), une adaptation de Stephen King autour des rapports entre l'homme et la machine : ici un teenager devient obsédé par sa voiture, qu'il prend comme objet de substitution d'une vie sentimentale inexistante, au point que celle-ci prend vie et se transforme en prolongement meurtrier de ses fantasmes ou névroses. A l'instar de Starman (1984), son film suivant, Christine est plus consensuel mais révèle néanmoins la vision d'une Amérique détraquée jusque dans son quotidien anodin.
Du néo-classicisme au politique1986, retour à Kurt Russel et à la série B, à l'hommage, à la cinéphilie joyeuse et généreuse avec Les Aventures de Jack Burton dans les griffes du Mandarin. Cocktail explosif d'aventure, de comédie, de fantastique, tout droit sorti d'un serial qui une fois encore faisait le succès au même moment de Spielberg et Lucas avec Indiana Jones, Jack Burton tente d'imposer son univers baroque et éclectique. Influencé cette fois par le cinéma hongkongais dont personne n'a entendu parler sauf quelques critiques (Serge Daney, Charles Tesson et Olivier Assayas aux Cahiers du cinéma, Christophe Gans, entre autres), Carpenter est malheureusement en avance sur son temps, le film fait un bide au box office. Personne n'a vu ou ne se rappellera, quelques années après lorsque sera distribué Histoire de fantômes chinois (Tony Ching Siu-tung, 1987), qu'il avait tourné des scènes similaires. Carpenter retourne alors à des budgets plus réduits et au fantastique avec Le Prince des ténèbres (1987), où il confronte le paranormal à la science, puis enchaîne sur Invasion Los Angeles (1988). Avec un manque de moyens évident, il se débrouille pour faire de l'histoire d'un pauvre quidam, découvrant par hasard grâce à des lunettes que le monde est dirigé par des extra-terrestres, un pamphlet paranoïaque contre les médias, le consumérisme et les classes dirigeantes. Avec cette parabole politique, un peu simpliste mais sympathique, sur le pouvoir et la réalité, Carpenter prend pour la première fois ouvertement position.
Après quatre années de silence et des films aux succès mitigés, le dernier cow boy d'Hollywood obtient de nouveau un budget plus confortable (dix fois plus que sur Invasion Los Angeles) pour Les Aventures d'un homme invisible (1992), avec Chevy Chase et Darryl Hanna. Malheureusement, bien que Carpenter exploite à merveille l'invisibilité, le film est un énorme bide. Ce qui ne l'empêche pas de se lancer dans la réalisation coup sur coup de L'antre de la folie (1995) et Le village des damnés (Id), remake d'un classique du cinéma fantastique des années 50 signé alors Wolff Rilla. Le premier devient rapidement une référence pour les amateurs du petit maître, sa mise en image de la folie fait penser fortement à Lovecraft, notamment par de nombreuses allusions ou des thèmes similaires. Il recevra pourtant à sa sortie un accueil public et critique très contrasté, il sera même un échec au box office. Le second, honnête, permet surtout à Carpenter de reprendre les thèmes de l'original pour les actualiser dans une fable morale sur la violence et les images, et ainsi révéler à l'Amérique ses vieux démons qu'elle n'est pas ou plus capable de voir. Face à ces échecs commerciaux et peut-être par opportunisme pour renouer avec le public, il tourne Los Angeles 2013. Très inégal techniquement, notamment à cause d'effets numériques peu convaincants même dix ans plus tard, le film donne une occasion supplémentaire à Carpenter de critiquer l'autoritarisme et l'impérialisme américain.
La retraite ?Deux ans plus tard, nouveau coup de pied dans la fourmilière avec Vampires (1998). Tourné comme un western musclé avec un James Woods en chasseur de prime ultra violent, le film fait voler en éclat le néoromantisme et le gotique complaisant d'Anne Rice (Entretien avec un vampire), pour finir par s'attaquer de plein fouet à la plus haute institution morale américaine : la religion. Vampires toujours mais dans l'espace avec Ghosts Of Mars (2001), un autre western où cette fois Carpenter s'amuse à démolir les percepts féministes d'abord (l'histoire se situe dans une société matriarcale), pour finir par renvoyer chacun dos à dos : tous égaux devant une ultime menace évoquant les pillages des pionniers de la conquête de l'Ouest. Il n'a alors rien perdu de son intelligence de l'espace et de sa fluidité hawksienne, ni de sa quête d'abstraction entourée autour d'un commentaire critique sur l'Amérique. Primitif et crépusculaire, cette version heavy métal en forme d'ultime relecture libre de Rio Bravo sera malheureusement un ultime échec pour Carpenter, qui dès lors décide de prendre congé jusqu'à nouvel ordre. Il sortira néanmoins de sa retraite pour la série Masters of Horror, pour laquelle il signe deux segments : Cigarettes Burns (2005) et Pro-Life (2006). Rien de convaincant, ses admirateurs en seront pour leurs frais. Déçu par les studios et de ne pouvoir plus retrouver une place équivalente à celles que tenaient les petits-maîtres hollywoodiens du classique qu'il admirait dans sa jeunesse, Carpenter se retire à nouveau. Et puis coup de théâtre, la nouvelle tombe en 2008, le loner sortirait de son ranch pour deux films : L.A. Ghotic et The Prince. A suivre...