"Le Meilleur des Mondes" est un roman d'anticipation dystopique, écrit en 1931 par Aldous Huxley. Il parut en 1932. Huxley le composa en quatre mois seulement.
Vingt-cinq ans plus tard, Huxley publie un essai dédié à ce livre, "Retour au Meilleur des Mondes".
Résumé (situation initiale, description du monde)
L'histoire débute à Londres , en l'an 632 de Notre Ford . Dans le monde décrit par l'auteur, l'immense majorité des êtres humains vivent au sein de l'État Mondial – seul un nombre limité de sauvages sont regroupés dans des réserves. Bien que l'enseignement de l'Histoire soit jugée parfaitement inutile dans ce monde, on apprend néanmoins que les sociétés anciennes ont été détruites par un conflit généralisé connu sous le nom de "Guerre de Neuf Ans".
Dans cette société, la reproduction sexuée a totalement disparu ; les êtres humains sont tous fécondés en laboratoires, les fœtus y évoluent dans des flacons, et sont conditionnés durant leur enfance. Les traitements que subissent les embryons au cours de leur développement déterminent leur future position dans la hiérarchie sociale (par exemple : les embryons des castes inférieures reçoivent une dose d'alcool qui stoppe leur développement, les réduisant à la taille d'avortons). Une fois enfants, les jeunes humains reçoivent un enseignement hypnopédique qui les conditionne parfaitement durant leur sommeil. Les castes supérieures apprennent ainsi à mépriser sans remords les castes inférieures, et ces dernières apprennent à admirer l'élite de la société.
La société est rigoureusement séparée en cinq castes : les Alpha en constituent l'élite dirigeante. Ils sont programmés pour êtres grands, beaux et intelligents. Les Bêta forment une caste de travailleurs intelligents, conçus pour occuper des fonctions assez importantes. Les Gamma constituent la classe moyenne voire populaire. Les Delta et les Epsilon forment enfin les castes inférieures ; ils sont faits pour occuper les fonctions ardues. Ils sont programmés pour être petits, laids. Chacune de ces castes est divisée en deux sous-castes : Plus et Moins. Il n'existe pourtant pas de conscience de caste, de sorte que les castes inférieures n'envient pas les autres castes.
Cette société rend tabou le sujet de la viviparité : l'allusion à la maternité, à la famille ou encore au mariage font rougir de honte aussi bien les jeunes que les adultes. La sexualité y apparaît comme un simple loisir : chaque individu possède simultanément plusieurs partenaires sexuels, et la durée de chaque relation est extrêmement limitée Les femmes utilisent de nombreux moyens de contraception, appelés exercices malthusiens, afin de contourner tout risque de reproduction qui échapperait au conditionnement réglementaire.
Chacun des membres de la société est conditionné pour être un bon consommateur et est obligé de participer à la vie sociale. La solitude est une attitude suspecte.
Tout le monde dans l'État Mondial utilise du Soma. Le Soma est une substance apparemment sans danger qui peut, à forte dose, plonger celui qui en prend dans un sommeil paradisiaque. Le Soma n'a aucun des inconvénients des drogues que nous connaissons aujourd'hui. Il se consomme sous forme de comprimés distribués au travail en fin de journée. Cette substance est le secret de la cohésion de cette société : grâce à elle, chaque élément de la société est heureux et ne revendique rien. Les individus de toutes les castes se satisfont de leur statut par le double usage du conditionnement hypnopédique et du Soma.
Les humains qui ne vivent pas dans l'État Mondial sont parqués dans des "Réserves à Sauvages" délimitées par de hautes barrières électrifiées. Elles ont été créées par l'État Mondial à cause des conditions climatiques et géologiques peu favorables : "Il n'a pas valu la peine ni la dépense de civiliser". Ces sauvages perpétuent la reproduction vivipare et ont un mode de vie primitif.
La première partie du roman décrit la vie dans l'État Mondial et les personnalités de deux des personnages principaux : Bernard Marx et Lenina Crowne. Lenina est une jeune femme Bêta particulièrement belle, tandis que Bernard est une sorte de paria : même s'il est un Alpha, il est aussi petit qu'un Gamma. En outre, Bernard se trouve être un élément subversif de la société ; il déteste le Soma, il préfère "être lui-même et triste qu'une autre personne qui soit heureuse". Il aime également la mer, les étoiles, la randonnée alors que les êtres humains ont été conditionnés à détester la nature. Bernard remet encore en cause les mœurs répandues dans l'État Mondial, la façon dont sont considérées les femmes, et en particulier Lénina : "comme de la viande". Cette conduite étrange a fait naître une légende à son sujet : on aurait versé par erreur de l'alcool dans son "pseudo-sang" alors qu'il était encore un embryon (traitement normalement réservés aux castes inférieures).
On fait également la connaissance d'Helmholtz Watson, maître de conférences au Collège des Ingénieurs en Émotion et meilleur ami de Bernard. Il est assez similaire à Bernard mais n'est pas un paria. Helmholtz lui aussi s'interroge et trouve que quelque chose manque à cette société, aussi formidable soit-elle : une personne héroïque suscitant l'admiration.
Le Meilleur des mondes décrit une société future dotée des caractéristiques suivantes :
- La société est divisée en sous-groupes, des Alphas aux Epsilons, en fonction de leurs capacités intellectuelles et physiques. L'appartenance à un groupe ne doit rien au hasard : ce sont les traitements chimiques imposés aux embryons qui les orientent dans l'un des sous-groupes plutôt qu'un autre, influençant leur développement.
- Ces sous-groupes, qui constituent des castes, coexistent avec harmonie et sans animosité, chacun étant ravi d'être dans le groupe où il a été placé. Et pour cause, des méthodes hypnopédiques (répétitions de leçons orales durant le sommeil) conditionnent le comportement de chacun dès le plus jeune âge.
- La reproduction est entièrement artificielle. Non seulement la notion de parenté ne correspond plus à une réalité courante, mais son évocation est considérée comme vulgaire, voire obscène.
- La sexualité est détournée pour n'être que récréative et étouffer dans l'œuf les passions amoureuses, celles-ci étant clairement source de tensions (jalousie, possessivité), et donc à bannir de cette société.
- Le conditionnement dirige les goûts des membres de la société vers des loisirs nécessitant l'achat d'équipements spécialisés au lieu de l'appréciation des passe-temps gratuits ou bon marché. On les conditionne, par exemple, à ne pas aimer les fleurs, au motif que ce goût n'engendre pas assez d'activité économique. Huxley montre ici les dérives possibles du behaviorisme ou comportementalisme étudié notamment par John Broadus Watson.
- Les loisirs sont omniprésents à la condition expresse qu'ils soient en groupe. Le sexe sans limite est encouragé dès la plus petite enfance, comme une relation sociale récréative comme une autre.
- Le soma est une drogue parfaite, sans effet secondaire, qui est distribuée par l'administration. Cette drogue empêche les habitants d'être malheureux. Elle agit sur un mode anxiolytique.
- Sur le plan religieux, le régime est théocratique. Cela dit, les notions de religion et de théocratie y sont inexistantes et il en va de même pour toutes les autres notions associées à la religion, sauf l'hérésie, qui peut être punie de déportation, et le sacrilège.
Huxley fonde sa dystopie sur l’aspect utopique d’une société-monde profondément anesthésiée par le progrès scientifique et technique de l’an 600 après Ford. Ce roman pousse à son paroxysme les conceptions sur l'eugénisme qui était alors considéré par la communauté scientifique, et particulièrement par les généticiens et les biologistes, comme une science à part entière. D'ailleurs, Julian Huxley, frère d'Aldous Huxley, était un éminent généticien partisan de l'eugénisme. "Le Meilleur des Mondes" dénonce les méfaits de l’utopie en tant que conceptualisation fausse et assujettissante.
"Le Meilleur des Mondes" a longtemps été présenté comme une vision pessimiste du futur de la société de consommation. Ce n'est pas seulement un livre de science-fiction mais aussi une métaphore de la société actuelle.